Ou comment savoir renoncer !

Au départ de Lyon, nous sommes trois courageux pour cette première navigation de l’année : Raph, Benoît et Denis.

Destination : le Duzon, affluent du Doux dans le nord de l’Ardèche, classe 3 à 5 suivant les conditions !

Les troupes sont motivées, cela fait une semaine qu’il fait mauvais et doux, une aubaine pour les kayakistes extrémistes que nous sommes. Plus il pleut, mieux c’est ; enfin on verra un peu plus loin que parfois ça dépend quand même.

La route se fait sans souci particulier -il pleut donc tout va bien-, seule une sangle ou deux se mettent rapidement à vibrer et rendent impossible toute conversation dans la voiture. Bref, une sortie de kayakiste classique. Un arrêt permet quand même de dévriller les sangles et par là même de rentre le voyage plus agréable. Au club de Tournon sur Rhône, nous retrouvons JP, Gaëtan et Matthias, le local de la sortie. Toujours avoir un local avec soi, on gagne un temps fou sur la rivière car il connait les rapides. Mais cela ne doit pas ôter toute prudence au groupe, loin de là. La rivière peut changer à tout moment et un danger a pu apparaître.

Nous nous changeons doc bien au sec dans le grand hangar du club de Tournon et nous voici parti pour le départ sur un affluent du Duzon, l’Ormèze, qui paraît-il vaut le coup. Effectivement, nous embarquons sous un joli pont de pierre et commençons la descente de l’affluent qui serpente au fond d’une petite vallée sauvage, au milieu des buis couverts de mousse verte poussant à même la roche.

Un premier rapide nécessite une reconnaissance: il commence par une courte étroiture dans laquelle toute l’eau de la rivière s’engouffre (et donc le kayakiste avec !) en forme de virage à droite, suivi d’un virage à gauche juste après quoi le seuil qui finit dans un contre prison à droite (donc il faut serrer à gauche !). Plusieurs méthodes sont employées par les membres du groupe pour la franchir :

  • Mathias ouvre le passage, loupe le virage à gauche et passe donc le seuil en arrière : ça passe !
  • Denis enchaîne et passe sans encombre, comme il avait tout prévu dans sa tête (bon, il ne faut pas trop réfléchir non plus, si on décompose chaque coup de pagaie, on finit par louper la trajectoire générale hein). Il faut dire qu’avec un Cross, il faut y aller pour ne pas tourner, le bateau ne fait que ça en permanence et ça en devient fatiguant d’aller tout simplement droit;
  • JP va tâter le rocher à droite, car il finit un peu trop dans le contre-prison et n’a pas envie d’y faire un tour (allez en prison, ne passer pas par la case départ, ne touchez pas 20000€…)
  • Ben termine dans le rouleau du seuil, fait un demi-tour dans le contre -à l’envers- et sort de son bateau car sa natation est bien plus sûre que son esquimautage. Lancer de corde, récupération du bonhomme et du bateau, et… mais où est donc passée la lagaie ? Elle tournait il y a un instant dans le contre en décrivant des cercles réguliers sans vouloir sortir. Ben ira donc la chercher, encordé à la nage dans le contre : elle s’était coincée sous la roche creusée par le mouvement d’eau régulier et perpétuel !

Parfait, tout le monde peut repartir. La suite est une succession de très jolis passages, nous naviguons dans la rivière ayant creusé son chemin dans la roche mère de la montagne.

Nous arrivons ensuite sur le deuxième gros seuil de l’Ormèze. Le passage attaque à gauche par un petit virage à droite ponctué d’une jolie vague et ensuite un virage à gauche ce coup-ci pour retourner dans l’axe de la vallée et finir dans un dévalloir tout blanc avec de l’eau soulevée par endroits par des rochers que l’on devine planqués sous les 4m de la chute. Magnifique !

Tout le groupe ayant débarqué rive gauche, on ne peut voir le dévalloir final ! Seul Matthias, en face sur la rive droite, peut voir le pied de la chute et nous fait signe que c’est bon. Et bien allons-y. Visiblement, le pouce de Matthias n’inspire pas une totale confiance au groupe, à moins que ce ne soit l’absence de contact visuel avec le dévalloir pour savoir à quelle sauce on va être mangés… Je me lance donc, content d’aller dans l’inconnu (littéralement !). Un dernier coup d’oeil vers l’entrée du passage pour bien visualiser la trajectoire alors que je remonte vres mon bateau et c’est parti.

Passage sans encombre, un régal. Les pierres du fond jouent avec les carres de certains kayak pour tester la stabilité latérale de leur conducteur, mais il y a de la place pour esquimauter dans le plat qui suit.

Un dernier bon seuil nous attend ; Raphaël décide de voir comment ça fait de rester en travers dedans avec un bateau pas grand, je manque de lui tomber dessus alors que je ferme la marche.

Et nous arrivons à la confluence avec le Duzon, but originel de notre sortie. C’est large, c’est lisse, c’est marron : il y a de l’eau. Beaucoup d’eau. Le local ne reconnais pas les premiers rapides qui ne sont pas censés être si larges. Berf, en un mot, c’est le Zambèze. Un bon rapide garni de grosses vagues me permet de sortir d’un rouleau en chandelle avec mon Cross. Mais je n’ai rien demandé moi ! A ce moment de la navigation je me demande pourquoi je n’ai pas mon bon gros T-Canyon et ses 3m30 de long.

Cent mètres plus bas nous faisons le point. La rivière a manifestement monté et il reste des gros passages à négocier. Nos bateau de creek sont des coquilles de noix face aux dimensions prises par la rivière. Heureusement, Raph -toujours prévoyant- a apporté un extrait de la carte IGN -et une lampe de poche mais elle ne servira pas aujourd’hui, je vous rassure. La décision est prise d’arrêter la navigation ici. Là. Dans les broussailles, les buissons bas épineux, les chênes rachitiques et autres buis rabougris rouverts de mousse poussant dans cette vallée rocheuse.

Bon, je vous passe les détails, nous portons les kayak tant bien que mal puis nous finissons par les hisser à la cordes un par un. Aux deux tiers de la remontée, nous trouvons enfin un chemin qui monte et nous permet de rejoindre un gîte perdu en haut de la colline.

Ah oui, un détail : entre le Duzon qui coule dans sa vallée sauvage et isolée et la route il y a environ 200m de dénivelé. Heureusement que les propriétaires de la maison, nous ayant vu depuis l’autre colline avec leur autre maison sont venus à notre rencontre, en minibus s’il vous plait, pour ensuite nous ramener à l’embarquement où la voiture de Raph nous attendait sagement. Tout est bien qui finit bien, rien de cassé, et il ne fait même pas nuit.

Raph nous a concocté une magnifique vidéo.

 

ANNEXE TECHNIQUE

Courbe de débit sur le Doux à Tournon (après la confluence avec le Duzon) et à Lamastre (avant la confluence avec le Duzon).

Courbe de débit sur le Doux à Tournon (après la confluence avec le Duzon) et à Lamastre (avant la confluence avec le Duzon).

Voici donc le débit sur le Doux le jour de la navigation (et les jours suivants). Comme il n’y a pas de station de mesure sur le Duzon -et encore moins sur l’Ormèze- nous sommes obligés de procéder par déduction : Débit_Doux_Tournon = Débit_Doux_Lamastre + Débit_Duzon. A peu de choses près, nous négligerons ici les affluents mineurs. Bref, le débit sur le Duzon correspond donc à l’écart entre les deux courbes, il reste pas mal d’eau quand même. Ceci explique la couleur marron de l’eau sur le Duzon et le joli bleu du Doux. Au niveau de la confluence la différence était bien nette !

Moralité, il y a eu environ 50m3/s  lorsque nous sommes passés et plus de 80m3/s au plus fort de la crue sur la Duzon. Ça fait beaucoup quand on regarde la taille de la rivière… Le lien vers notre site préféré (notez les commentaires subtiles qui apparaissent lorsque vous passez le curseur dessus…)

On s’est tapé le pic de crue pile au moment où il passait ! Et on a surtout bien fait de débarquer…

 

Catégories : Récits sorties

Denis

Superdenis

1 commentaire

Bertrand Viel · 27 janvier 2014 à 21:52

beau récit! sagesse et sécurité au cktsv

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